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Les porte-drapeaux
« Le but c’est de mélanger tous les bagadoù » explique Michel, danseur, dans la cacophonie ambiante. Nous sommes place Alsace-Lorraine, point de départ du triomphe des sonneurs. Environ trois mille sonneurs et danseurs, venant de partout dans le monde, sont là pour ce défilé. Il règne un désordre indescriptible : rires, cris, invectives, poches de cuirs qui émettent des couinements plaintifs, caisses qui résonnent sourdement… Sans parler des danseuses qui vérifient le bon ordre de leurs tenues et du public où circulent pintes de bière et chopes de cidre. Quelques uns préparent leurs appareils photos ou leurs téléphones portables : c’est sûr, le triomphe sera immortalisé des millions de fois
Annick, bénévole, demande gentiment de s’écarter du chemin : c’est presque le moment d’y aller et il ne faut pas obstruer la voie. Ses yeux rouges témoignent de sa fatigue, mais elle accomplit sa tâche avec un plaisir évident. « Pour nous, c’est la chose la plus importante, explique-t-elle gentiment. On fait ça pour eux, pour nous. J’ai toujours baigné dedans. »
C’est le coup d’envoi. Les sonneurs donnent le ton, la procession s’ébranle. Plus de sons discordants, plus de pas hésitants. L’ordonnencement des bagadoù est précis et le pas n’est pas sans rappeler un défilé militaire. Dans un bel ensemble les musiciens exécutent leurs partitions. La musique s’élève, aérienne, pure, poignante. Elle prend au cœur et aux tripes. La Celtie entière se retrouve unie et c’est d’un même mouvement que, tel les enfants de Hamelin, nous suivons cornemuses, binious et bombardes, emportés par leur chant puissant.
A chacun sa photo souvenir
La foule hétéroclite grossit tout au long du parcours. Les korollerien exécutent des pas de danse rythmés par la musique et le public qui bat la mesure. Les plus jeunes ont des points d’observation plutôt insolites. Cela va de la poussette surélevée, aux épaules des parents, en passant par les abri bus et les platanes où ils se tiennent parfois en équilibre précaire.
Durant cette heure de défilé, toutes les barrières se sont effondrées : l’âge, le sexe, la langue… Plus rien ne compte. Tous et toutes se reconnaissent dans cette musique, dans cette culture. Ils ont le sentiment de faire parti d’un tout. Ce triomphe n’est pas seulement celui des sonneurs. C’est celui de la Celtie toute entière.
Malika GROGA BADA, Côte d’Ivoire